Cette œuvre décrit une rupture par téléphone. Rupture dans bien des sens car la communication est souvent interrompue, laissant régulièrement l’héroïne dans le tourment de l’attente. La sonnerie évoque une sentence, une injonction, la femme est au supplice.
Elle veut y croire, la sonnerie bienaimée, celle de celui qui, au loin, se joue d’elle, est reçue comme une caresse, elle l’attend, elle y croit encore. Le téléphone sonne, le temps s’arrête ; même si nous n’entendons pas les réponses de « l’être aimé», ses mots sont suggérés par la musique. Cocteau nous parle de la femme et Poulenc nous raconte l’homme. L’être aimé est plus présent que jamais ; celui qui lui ment, qui la torture, celui qu’elle veut toucher, aimer encore et toujours…
Pourtant une question reste en suspens : qui est la Voix Humaine ? Assurément pas celle de la femme qui dans son monologue entrecoupé nous enivre d’un cocktail d’amour et de désespoir. Pas celle de l’être invisible, à l’autre bout du fil, qui n’existe d’ailleurs que dans l’écho somptueux et profond de la musique. La voix de l’amour peut-être ?!
Un amour qui ne s’exprime dans toute sa profondeur que parce qu’il se meurt dans le cœur de l’un et s’exalte dans celui de l’autre. C’est dans cet abîme que sa voix devient humaine…
Ce qui pourrait être un hymne à l’amour devient une marche au supplice pour celle qui ne peut que raccrocher en répétant, pour elle-même, car l’autre est déjà parti, et comme une prière : « je t’aime, je t’aime, je t’aime ».